• « Une présidence "famillionnaire », par Christian Salmon

    Ce jour-là, rapporte Le Figaro, le président se présente à la salle à manger de l'Elysée, avec un dossier au titre explicite : "Leaders d'opinion". Il a rendez-vous avec un groupe de personnes qu'on ne qualifie plus désormais d'intellectuels dans les antichambres du pouvoir, mais, avec franchise et de manière décomplexée, de leaders d'opinion, des êtres qui font profession non plus de penser mais d'influencer, non plus de critiquer le pouvoir mais d'en flatter les attributs. Pourquoi pas ? Que Nicolas Sarkozy emploie des intellectuels pour relayer son discours devenu inaudible, c'est de bonne guerre. Qu'il les rebaptise leaders d'opinion, cela a le mérite de la clarté. Qu'il s'entoure d'une cour pour dispenser ses oracles comme le trop fameux : "On ne va pas à <?xml:namespace prefix = st1 ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:smarttags" /><st1:PersonName w:st="on" ProductID="la Comédie-Française">la Comédie-Française</st1:PersonName> pour s'emmerder" n'est pas un crime. Là n'est pas l'essentiel. Selon Le Figaro, Luc Ferry, l'un des convives, lui expliqua qu'il fallait compenser la dureté des réformes en proposant aux Français "l'embellissement de la vie". Rien de moins ? Malraux s'était contenté de ravaler les façades haussmanniennes. Paris y gagna en luminosité. Mais l'embellissement de la vie, c'est un programme digne des Lumières. Une nouvelle Renaissance, comme dirait Henri Guaino. Pourtant, rapporte l'un des convives, qui avoue n'avoir pas compris où Luc Ferry voulait en venir, "Ferry s'est fait ramasser sèchement". Il est vrai que l'humeur présidentielle est plutôt belliqueuse depuis quelques semaines, son caractère le porte moins à l'embellissement de la vie qu'au corps-à-corps avec les Français, qu'ils soient pêcheurs, chercheurs, militaires ou salariés de France Télévisions. L'insulte, par les temps qui courent, ne s'embarrasse pas de nuances. Souvenez-vous : Jérôme Kerviel, qualifié de "terroriste" par le PDG de <st1:PersonName w:st="on" ProductID="la Société">la Société</st1:PersonName> générale. Ce n'est pas Nicolas Sarkozy qui commettrait une telle outrance. Quand il veut blesser les journalistes, il les gratifie, avec un haussement d'épaules presque timide, du sobriquet de "manifestants", ce qui n'en est pas moins grave, presque un délit, à ses yeux.

    Mais Nicolas Sarkozy n'est pas toujours menaçant, il sait aussi faire preuve d'humour à l'occasion, comme lorsqu'il confia aux salariés de l'aciérie d'ArcelorMittal menacés de licenciement : "Je dois dire que Gandrange, comme voyage de noces, y a pas mieux." Voilà un homme qui sait parler au peuple. Ou à l'occasion du conseil de l'UMP le 6 juillet, lorsqu'il confia à un public conquis : "<st1:PersonName w:st="on" ProductID="la France">La France</st1:PersonName> est en train de changer. Elle change beaucoup plus vite et beaucoup plus profondément qu'on ne le croit." Avant d'affirmer, faussement ingénu : "Désormais, quand il y a une grève en France, plus personne ne s'en aperçoit"

     

    http://www.lemonde.fr/opinions/article/2008/07/11/une-presidence-famillionnaire-par-christian-salmon_1072584_3232.html


  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires

    Vous devez être connecté pour commenter