• « A peu de chose près ...» par Pierre ASSOULINE

     

    BERNARD-HENRI LEVY et ses œuvres...

    Que l'antisionisme contemporain ait épousé la même logique que l'antisémitisme traditionnel, cela ne fait guère de doute : il suffit d'analyser calmement, sereinement et de bonne foi leurs rhétoriques et leurs lexiques respectifs pour s'en convaincre. C'est délibéré ou pas, conscient ou pas, selon les cas. Pour autant, dire ou écrire que l'antisionisme (non pas la critique de la politique du gouvernement israélien, mais le refus d'accorder aux Juifs le droit d'avoir leur propre Etat) égale l'antisémitisme est une faute, une erreur et une contre-vérité. Ceci n'est pas contradictoire avec cela mais paradoxal. Ceux qui, comme Bernard-Henri Lévy, confondent les deux sans s'encombrer de nuances, parfois pour complaire à leur auditoire, ne font qu'ajouter à la confusion des idées.

    Ainsi, aux Etats-Unis où il se trouve pour suivre la campagne électorale et assurer la promotion de son dernier livre sur la gauche française Left in dark times. A stand against the new barbarism (Ce grand cadavre à la renverse), il a accordé un entretien à Emmanuel Saint-Martin pour l'édition new yorkaise de French morning, un webmagazine destiné aux francophones des Etats-Unis. On ne s'étonnera pas que l'intellectuel français vivant le plus connu dans le monde (son ami Alain Badiou n'y est que le plus lu) prétende ne pas lire les sites internet (ce qui a fait sourire Pierre Haski de Rue 89 dans ce commentaire). En revanche, on relèvera avec intérêt son intention d'expliquer au public américain que l' antisémitisme français n'est pas pire qu'aux Etats-Unis. A l'appui de sa démonstration, il cite le "fait" qu'un essai comme The Israël lobby and the Foreign Policy ne pourrait jamais paraître chez nous tant est virulente sa dénonciation de la politique pro-israélienne du gouvernement américain, par les universitaires John Mearsheimer et Stephen Walt. Sous-entendu : chez nous, la réaction serait trop forte, on ne tolérerait pas etc

    Passons sur le fait que ce livre est, malheureusement pour lui, paru en France à La Découverte il y a un an exactement sous le titre Le lobby pro-israélien et la politique étrangère américaine. Le plus édifiant suit, lorsque le philosophe résume la teneur de ce livre : "A peu de chose près, c'est ce qu'écrivait Louis-Ferdinand Céline dans L'Ecole des cadavres". J'ai vérifié l'exactitude du propos auprès du journaliste qui l'a recueilli. Ce n'est pas grave, c'est juste accablant. "A peu de chose près" signifie "presque exactement". On n'a même pas envie de reprendre l'étude des deux Américains, contestable et critiquable sur bien des points mais sérieuse et argumentée, pour la comparer au concentré de violence et de haine, de génie de la langue et d'humour (mais oui, aussi ) et d'immondes appels au meurtre du pamphlet de Céline. On a juste envie de rappeler que ce type d'analogie, inutile et démagogique, annule tout débat d'idées sur la question.

     

    http://passouline.blog.lemonde.fr/livres/

     

     


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